Manurhin

Manurhin, Ancien fleuron de l’industrie française,

passe sous contrôle émirien

Societe manurhin equipement

La chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse

a entériné la reprise du fabricant de machines à produire des

munitions Manurhin par un groupe des Émirats arabes unis.

Manurhin, leader français dans le domaine des machines à produire des munitions, a été racheté le 1er août 2018 par l’industriel de défense émirien EDIC (Emirates Defense Industries Company).

Ainsi en a décidé la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse.

Placée en redressement judiciaire depuis le 13 juin, après une procédure de sauvegarde d’un an, l’usine alsacienne va pouvoir maintenir son activité.

Le ministre de l’économie Bruno le Maire s’est d’ailleurs félicité cette issue dans un communiqué, soulignant que cela va permettre de préserver 104 des 145 salariés et de « pérenniser un savoir-faire industriel exceptionnel ».

Fabriquant des revolvers de la police

« Edic reprend l’intégralité de notre carnet de commandes » a souligné dans un communiqué le président du directoire de Manurhin Remy Thannberger, se réjouissant que « plus de deux tiers des effectifs soient conservés ».

Manurhin est en difficulté depuis plusieurs années et peine à se relancer, ne parvenant pas à obtenir un crédit bancaire. L’entreprise dispose pourtant d’un carnet de commandes de plus de 100 millions d’euros, mais accumule les pertes, au point d’être déficitaire de 16,7 millions d’euros en 2017. Manurhin, fleuron mulhousien de l’industrie d’armement français créé en 1919, se débarrasse dans la douleur de son encombrant et opaque actionnaire slovaque Delta Defence (34 % du capital), souvent pointé comme cause de l’absence de financement bancaire de la PME, malgré son carnet de commande de plus de 100 millions d’euros. Elle avait besoin de trouver un repreneur.

Fondé en 1919, Manurhin dispose d’un nom prestigieux. L’entreprise alsacienne a marqué l’imaginaire français des années 1970 en fabriquant les revolvers de la police, dont le modèle MR73, aussi bien porté par les hommes du Raid et du GIGN que par Jean-Paul Belmondo dans le film Peur sur la Ville d’Henri Verneuil. Elle dispose de client dans une soixantaine de pays.

Rachats en série

À la fin des années 1990, Manurhin avait vendu son activité revolvers et s’était recentrée sur la conception et la fabrication de machines et de lignes de production de munitions.

Les années 2000 ont marqué une période instable pour l’industriel français, successivement repris par les groupes Matra puis Nexter, avant d’être finalement racheté en 2010 par un enfant de la région, Rémy Thannberger, lui-même petit-fils d’un ancien salarié de Manurhin.

Le PDG de Manurhin Rémy Thannberger a estimé que « le tribunal de Mulhouse s’est prononcé avec pragmatisme, en faveur du projet financier le plus solide pour Manurhin ».

Ce n’est pas la première fois que l’industriel alsacien fait appel à des investisseurs étrangers. Manurhin avait en effet déjà décroché en 2015 un prêt de 17 millions d’euros auprès d’un établissement financier du Moyen-Orient.

HISTORIQUE

La Manufacture de machines du Haut-Rhin, plus connue sous le nom de Manurhin, a été créée par Jules Splenger en 1919.

Les dates clefs

1919/20 : La Manufacture de Machines du Haut-Rhin, dont la marque commerciale est Manurhin, est fondée à Mulhouse Bourtzwiller par Jules Spengler pour fabriquer desmachines destinées à l'industrie alimentaire.

1922 : l’entreprise démarre une production de munitions de petit calibre à Mulhouse. Des machines de cartoucheries se développent.

1928, une usine de production de munitions ouvre au Mans. Elle sera nationalisée en 1936.

1936 : une usine de munitions ouvre à Cusset, petite commune proche de Vichy

Après la Seconde Guerre mondiale, la Manurhin développe son activité dans la production d'armes légères, d'équipements et d'outils pour la métrologie (la science de la mesure) et la fabrication de scooters...

1978 : Entrée de la société Matra au capital de Manurhin. 

1983 : Premier plan social entraînant le départ de 400 employés. 

1990 : Matra Manurhin intègre Giat Industries.

1999 :  Manurhin cède son activité Armes de poing à la société CHAPUIS

31 décembre 2006 : Manurhin ferme définitivement ses portes dans le bassin vichyssois

 

L’Age d'or des années 60-70

Le groupe s'associe à un groupe allemand, Diehl, pour produire des cartouches en Autriche.  

Entre 1960 et 1970, c'est l'âge d'or de la Manurhin : 20 filiales, 4 000 employés, l'entreprise ne cesse de se développer et investit dans d’autres domaines comme les systèmes de régulation électronique, fabrication d‘éléments composites. Sa production militaire est étendue aux revolvers Manurhin, fusils automatiques SIG. La Manurhin entre en Bourse et se classe au 69e rang du secteur européen de la mécanique.

En 1978, le groupe Matra entre au capital de la Manurhin en achetant 34 % de ses parts. La crise économique frappe de plein fouet le groupe de fabrication de munitions. Des filiales ferment, l'activité baisse. 

En 1983, Matra devient l'unique actionnaire et licencie avant de créer deux sociétés distinctes : celle qui produit des munitions de moyen calibre à Vichy et celle qui produit des armes et des cartouches à Mulhouse.

Dans un web doc intitulé "La famille Manurhin" (réalisé par Cécilia GO guillon, Edwige Blanchon, Floriane Régentons, Floriane Gouverneaux, Melinda Pala et Manon Merceron), on retrouve le témoignage de Jacques Laforest qui fut ouvrier pendant 45 à la Manurhin.

https://www.youtube.com/watch?v=LylD0UGH6XQ

En 2012, face aux difficultés financières rencontrées depuis 2008, de nouveaux investisseurs entrent au capital du groupe MNR en janvier 2012 : Giat Industries, Sofirad et Delta Décence.

En 2016, le groupe enregistre une perte nette de 16,7 millions d'euros. Pourtant, les carnets de commandes sont pleins. Un paradoxe qui s'explique, d'après la direction du groupe, par sa difficulté à obtenir des prêts et par l'attitude de blocage de son actuel actionnaire de référence, le groupe slovaque Delta Defence détenteur de 34 % de la société.

Un gros projet aux Emirats

Les propositions du Belge New Lachaussée, pourtant partenaire de longue date de Manurhin, du Slovaque Delta defence et des Bisontins Odyssée technologies n’ont pas été retenues. Le plan d’EDIC prévoit la création d’une filiale de droit français, dotée de 10 millions d’euros de capital. Un engagement a aussi été pris pour apporter 35 millions d’euros afin de financer les besoins de trésorerie de Manurhin. 41 licenciements sont aussi à opérer.

Pour relancer l’activité, des commandes en faveur d’Oman et du Pakistan sont avancées. Mais c’est aussi le projet de création d’une usine de munition aux Emirats qui va porter le redressement de Manurhin. Il s’agirait d’équiper des lignes de production de machines de cartoucherie pour un montant de 60 millions d’euros.

Manurhin comptait encore 160 salariés pour un chiffre d’affaires de 31 millions d’euros en 2016. Un projet présenté par Jean-Yves le Drian en mars 2017, visant à la création d’une usine de fabrication de munitions légères à équiper à Pont-de-Buis, Finistère, avec Thalès et le Breton LobelSport n’avait pas abouti. Bruno Le Maire s’était engagé début juin à réfléchir à "toutes les solutions pour trouver un repreneur de qualité". La décision rapide de l’instance mulhousienne semble signifier que l’Etat est satisfait des projets du repreneur émirati, ses armes de poing ont été commercialisées à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires.

L'origine de l'activité munitionnaire tient à l'achat en 1922 d'une installation moderne de production de cartouches de petits calibres en Allemagne dont l'industrie d'armement est démembrée selon les clauses du traité de Versailles. Cette opportunité permet à la jeune entreprise de développer son savoir-faire et ses propres machines en mettant au point un procédé original pour la fabrication des étuis, l'utilisation d'une barre de laiton obtenue par filage en remplacement du ruban communément employé par les autres cartoucheries.

En raison de l'évolution de la situation politique de l'Allemagne en 1927, et dans le cadre d'un plan de modernisation de l'Armée Française, l'Etat demande à l'entreprise d'installer une cartoucherie et une laitonnerie au Mans. En effet, compte tenu de la nécessité de faire fonctionner l'installation en temps de guerre, le site retenu doit être très éloigné de la frontière allemande. Cette usine destinée à produire des cartouches de petit calibre (8 puis 7,5mm) commence ses fabrications en 1927. Elle est nationalisée par le Front Populaire en 1936.

Cependant l'usine de Mulhouse Bourtzwiller continue à produire des munitions et des douilles de différents calibres. L'évolution politique en Europe laissant présager une nouvelle guerre, en 1936, l'Etat demande à Manurhin de transférer sa production dans une ville moins exposée en cas de conflit. Comme pour Le Mans, une localisation très éloignée de la frontière allemande est retenue : Vichy. Le site de 10 hectares, un ancien atelier de réparation de wagons et de tenders, est acheté à la Société Industrielle et Immobilière du Bourbonnais, sur la commune de Cusset qui jouxte Vichy.

De plus, quelques kilomètres plus à l'ouest, deux terrains très proches l'un de l'autre seront acquis sur deux autres communes, d'une part à Bellerive-sur-Allier au lieu-dit " Mont pertuis" pour l'atelier de changement et d'autre part, à Venda, le " Bois de Panazol" pour entreposer les munitions finies en attente d'expédition. Plus tard, ces deux terrains n'en formeront plus qu'un de 123 ha avec l'achat, après la guerre, de la bande de terrain qui les séparait.

L'usine est édifiée en 1936 et la cartoucherie de Mulhouse Bourzwiller s'y installe avec son personnel. Elle reprend la fabrication de cartouches de 13,2 mm Hotchkiss, de 20 mm Oerlikon et de 25mm AC et AA

Après la défaite et bien que située en zone libre, la cartoucherie de Cusset réduit son activité, sans doute faute de commandes. Cependant, elle fabrique au moins des douilles, si ce n'est des cartouches, pour l'armée d'armistice du début de l'année 1941 au 8 novembre 1942, jour de l'invasion de la zone libre par l'armée allemande suite au débarquement américain en Afrique du Nord. Cependant, une partie du personnel de Cusset, dès la débâcle avait été transférée à l'atelier d'Irigny au sud de Lyon (usine de la DEFA spécialisée dans le décolletage d'obus).

Pour fournir de l'activité à son personnel dans cette période difficile, elle produit du matériel pour l'alimentation, des machines d'emboutissage, des biens de consommation les plus divers (boîtes de crème à raser, tubes de rouge à lèvres, boîtes de réglisse...), des éléments pour bicyclettes "hirondelle" pour Manurhin à Saint-Etienne, etc.

A Cusset, fin 1944, et à Mulhouse, en 1947, après reconstruction de l'usine complètement détruite par les combats, redémarre une activité de recherche dans le domaine des munitions et ce, dans deux directions :

Celle du petit calibre pour tenir compte des avancées allemandes dans le nouveau domaine des cartouches dites "intermédiaires", c'est-à-dire celles destinées aux nouveaux fusils d'assaut.

Celle des munitions pour mitrailleuses lourdes de 13,2mm.

Ces recherches sont conduites sous l'autorité de l'ancien Colonel d'artillerie Henri-Emile BERTIN, polytechnicien, spécialiste de la fabrication des munitions. Il est le conseiller technique de Jules et Paul SPENGLER et ancien responsable du transfert de l'activité moyen calibre de Bourtzwiller à Cusset en 1939.

Les deux établissements de la banlieue de Vichy commencent à produire en 1938 des cartouches de moyen calibre. Arrêtés totalement fin 1942, ils ne reprennent leur fabrication de munitions progressivement qu'à partir de fin 1944. Même si durant l'occupation, donc après novembre 1942, elle fabrique, au moins pendant un certain temps, clandestinement et de nuit, des "munitions" pour fusil, comme cela a été rapporté par la direction de l'usine de l'époque.

La reconstruction du pays permet la relance de l'activité industrielle dans des secteurs très diversifiés pour lesquels sont créées de nombreuses filiales spécialisées.

Le site de Cusset se voit confier des départements industriels très divers, machines pour l'industrie du traitement de la viande et des salaisons: hachoirs industriels, cutters, pétrins et même fabrication de chaînes automatisées pour le travail de viande surgelée (chaîne GELFRA) matériel de métrologie: pieds à coulisse, baques de contrôle, jeux de cales de précisions, jauges de réglage pour machines, outils, fabrication de canons de neutralisation d'engins explosifs par projection d'eau mise au point conjointement avec le service du déminage de la Protection Civile, fabrication de munitions de moyen calibre

Les années 60-70 représentent les plus belles années de la société.

MANURHIN s'investit dans d'autres domaines (systèmes de régulation électroniques, fabrication d'éléments composites) et étend également sa production militaire (revolvers MANURHIN, fusils automatiques SIG). Le groupe englobe plus de 20 filiales avec plus de 4000 employés, est coté en Bourse et se classe au 69ème rang du secteur européen de la mécanique.

Dans les années 70, la fabrication de munitions prend une ampleur considérable au détriment des autres activités industrielles et en particulier de celles du domaine de l'industrie alimentaire elle-même de plus en plus concurrencée par les machines allemandes et italiennes. Le succès des ventes de munitions à l'export est tel qu'il finira par atteindre 70% de la production alors même qu'en dehors de quelques conflits locaux, les clients stockent plus qu'ils ne consomment leurs achats et qu'arrivent sur le marché de nouveaux producteurs, en particulier, dans les pays émergents.

Dans ce contexte, les difficultés financières commencent à apparaître, d'où en 1978 l'entrée de la société MATRA au capital. Cette alliance avec MATRA, fabricant de missiles air-air et d'armement air-sol vendus à de nombreuses forces aériennes dans le monde permet l'ouverture de ces marchés à Manurhin alors même qu'il ne s'agit pas forcément d'armer des avions d'origine française.

La Manurhin des années 1980 jusqu'à sa fermeture

Les premières difficultés financières, dues à la baisse mondiale de l'activité industrielle, apparaissent en 1978 et contraignent l'entreprise à faire entrer dans son capital la société MATRA. Cinq ans plus tard, MATRA devient l'unique actionnaire et Manurhin devient dès lors Matra Manurhin Défense. Le site de Montpertuis poursuit la production de munitions de moyen calibre. En 1983, le premier plan social entraîne le départ de 400 salariés.

Le 1er janvier 1984, deux sociétés sont créées :

Matra Manurhin Défense regroupant toutes les activités militaires : Production d'armes et de machines de cartoucherie à Mulhouse, production de munitions de moyen calibre à Cusset près de Vichy

Matra Manurhin Automatico regroupant toutes les activités civiles

Matra Manurhin Défense modernise ses installations et étend également son programme de production militaire (canon automatique 20mm HS.820 -Hispano-Suiza, APILAS- lance-roquette antichar infanterie de 112mm)

Le 1er juillet 1990, Matra Manurhin intègre Giat Industries, groupe industriel de l'armement appartenant à l'Etat. Les usines de Cusset (les Graves) et Bellerive-sur-Allier (Montpertuis) deviennent Manurhin Défense et emploient au total 1200 salariés. Mais la fin de la guerre froide et la baisse des commandes de l'Etat, alimentent les difficultés financières. Le groupe se voit contraint de mettre en œuvre plusieurs plans sociaux successifs.

En octobre 2002, le gouvernement, par la voix de son ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie, laisse entendre l'annonce imminente d'une restructuration en profondeur destinée à donner au groupe " un format compatible avec ses missions de production, rentable et capable de s'adosser, dans le futur, à d'autres groupes européens". Par la suite, le député Gérard Charasse publie un texte rassemblant des propositions spécifiques aux sites de Cusset et Bellerive-sur-Allier. Le 4 décembre 2002, le rapport Formion-Diébold vient défendre les propos de l’élu : les deux parlementaires affirment que Manurhin est financièrement " l'entreprise là moins déséquilibrée du groupe et de plus celle qui offre les meilleurs résultats en termes de qualité et de productivité ".

Début 2003, la fermeture annoncée de cette filiale à 100% Giat Industries, qui emploie 390 personnes (2.500 il y a 20 ans), est un coup dure pour cet établissement déficitaire depuis seulement 2001 (2,49 millions d'euros de pertes pour un chiffre d'affaires de 42,6 millions). Gérard Charasse, député (PRG) de l'Allier, dénonce la "surfacturation" pratiquée par Giat, qui selon lui, " a fait supporter par Manurhin une partie du déficit du groupe".

Le site du bassin vichyssois n'emploie plus que 345 salariés. Le 7 avril, Giat Industries annonce un ultime plan de restructuration qui se traduit par la fermeture des deux sites et la suppression de 345 postes. Aussitôt, l'Etat s'engage à compenser son retrait du bassin vichyssois par des aides financières et un soutien logistique. Les salariés restent mobilisés. L'année 2003 sera régulièrement ponctuée par des rencontres entre la ministre de la défense, Michèle Alliot-Marie et les élus locaux. Pour eux, cette décision est socialement dramatique à l'égard des salariés de Manurhin. Ils la trouvent également regrettable en matière d'aménagement du territoire car elle prive la région d'un pôle susceptible de refonder son développement industriel.

Le 31 décembre 2006, Manurhin ferme officiellement et définitivement ses portes. Les 345 salariés qui restaient en ont pratiquement tous été reclassés.

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Sources

Journal « La Montagne »

Journal « Les échos »

Journal « La Croix »

Site de l'entreprise Manurhin

Blog : giat-manurhin-bassinvichyssois.fr/

Livre « MANURHIN-CUSSET-MONTPERTUIS 1936-2008 » de Claude Jacquinet

Axel Perru

Thierry Gachon / MaxPPP

Enyclopédie Wikipedia

Date de dernière mise à jour : 2019-01-12 18:51:40

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Commentaires

  • factocert
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  • obélix
    • 2. obélix Le 2019-01-14 05:52:59
    très bon reportage continu comme ça le géant lol
  • Didier
    • 3. Didier Le 2019-01-13 15:31:32
    Malheureusement le savoir faire Français est parti avec cette fermeture, mais quelle entreprise cette MANURHIN, super Pat, très bien et c'est pas de la daube.

    Didier